Lorsque vous rencontrez, dans votre pratique, une victime de violence conjugale, vous risquez de vous poser certaines questions, qui peuvent être culpabilisantes pour elle, telles que:
- Qu’est-ce qu’elle a fait pour qu’il ait des réactions pareilles vis-à-vis d’elle?
- Comment peut-on continuer à vivre et à avoir des sentiments avec un partenaire qui a des comportements destructeurs ?
- Pourquoi ne part-elle pas?
- Comment est son mari, sa femme?
- Pourquoi n’a-t-elle pas encore expliqué ce qui se passe à son médecin, pourquoi n’a-t-elle pas encore porté plainte à la police, pourquoi n’a-t-elle pas encore entamé une procédure avec un avocat?
- Comment se fait-il qu’elle vive une telle situation?
- A-t-elle pensé à ce que vivent les enfants, ne sont-ils pas en danger?
…
En tant qu’intervenant, il est utile de connaître certains traits caractéristiques de la victime. Ces caractéristiques nous avons pu les relever au fil de nos années d’expérience sur le terrain.
La victime se sent déjà coupable de ce qui lui arrive, d’autant que son partenaire ne cesse de rejeter sur elle la responsabilité des comportements qu’il ou elle a à son encontre.
La victime a, généralement, peu d’estime d’elle-même et a donc un grand besoin d’être confirmé-e par son partenaire, qui profite de cette fragilité pour la déstabiliser de plus en plus.
On note également une forte peur d’être abandonné-e ce qui peut expliquer l’acceptation des comportements violents.
On constate que la victime a tendance à être impliquée dans une relation fusionnelle, avec dès lors une difficulté de poser ou de faire respecter certaines limites et d’accepter les limites de son-sa partenaire.
La victime éprouve des difficultés à identifier, verbaliser ses sentiments. Il en va de même concernant ses besoins.
La victime espère toujours pouvoir changer l’autre. Elle pense que même s’il y a violence, les choses peuvent s’arranger, que l’auteur va enfin comprendre et redevenir tel qu’il était lorsqu’elle l’a rencontré.
On peut constater une certaine confusion, résultat des violences vécues au quotidien. Celle-ci peut s’estomper progressivement lorsque la personne a pris la décision de quitter et se trouve dans un lieu où elle se sent en sécurité.
On constate aussi une peur de l’autre, qui peut être souvent liée à des événements traumatisants vécus par la personne. Cette peur est amplifiée par l’auteur (menaces de mort, …) dans un but de contrôle sur la victime. Hors contexte, cette peur peut paraître tout à fait irrationnelle.
Comment intervenir en tenant compte de la réalité de la victime?
Ecouter en sachant bien que la personne qui est victime n’est pas responsable du comportement de l’agresseur quoi qu’elle ait dit ou fait, lui seul est responsable de ses paroles et des ses actes, comme elle l’est des siens.
Il faut être attentif à ne pas faire passer à la victime que c’est sa faute si elle se fait agresser, ce que l’auteur lui dit sans cesse.
D’autre part, nous n’avons pas à lui demander de preuve de ce qu’elle raconte, nous sommes là pour la soutenir dans ce qu’elle vit.
Néanmoins, il pourra être utile de rappeler la loi en matière de violence conjugale ce qui permet de confirmer à la victime que les violences dans des relations intimes ne sont pas acceptables.
Nous aurons à accepter la révolte de la victime à l’idée qu’il n’existe aucune solution miracle à sa situation, qu’elle doit agir elle-même avec notre soutien et des aides adéquates (médicales, policières, juridiques,…)
Il sera important de rassurer la personne par rapport aux menaces de l’agresseur, en lui expliquant que c’est une stratégie pour l’empêcher d’agir tout en prenant en considération le danger qu’elle court, en particulier dans certains types de comportements violents et en lui proposant des pistes pour se protéger.
Il sera également important de tenir compte des stratégies qu’elle a déjà mises en place pour éviter le pire et se protéger jusqu’à présent.
Nous aurons à mettre en évidence les appuis qu’elle a dans son entourage et nous devrons l’inciter à les solliciter pour briser son isolement.
Il nous faudra garder présent à l’esprit la force que la victime a eue jusqu’à présent pour survivre dans des conditions si pénibles et au courage qu’elle a et le lui dire (c’est très important pour elle car elle se vit comme inadéquate, incapable, ce que l’auteur lui dit tout le temps).
Le travail avec une victime de violences conjugales nécessite un suivi à long terme, que ce se soit au plan psychologique ou administratif ou juridique. Il sera dès lors opportun d’orienter la personne vers un service spécialisé en matière de violences conjugales qui pourra prendre le relais et s’intégrer dans le réseau déjà existant autour de la personne.